Cependant, les résultats de Lilo sont souvent moins pertinents que ceux de Google.
Mais surtout, si Lilo est louable pour sa charité, il est peu transparent et manque parfois de probité :
– Il ajoute de la confusion entre publicité et résultats naturels
– Il justifie de façon inexacte son statut de société à but lucratif
– Il maintient un flou sur l’usage de ses revenus.
Si vous cherchez une solution plus vertueuse, DuckDuckGo nous semble être le meilleur choix (comparatif détaillé ici).
Sommaire :
- I. “Ne rien changer à ses habitudes et changer le monde” ?
- II. La publicité sur Lilo est plus encore sournoise qu’ailleurs
- III. Lilo nous mène-t-il parfois en bateau ?
I – “Ne rien changer à ses habitudes et changer le monde” ?
“On ne demande pas au gens de changer d’habitude, ils n’ont rien à faire ou à donner de leur poche” (Sophie Bodin, PDG de Lilo depuis 2020, sur France Inter).
Pas d’effort et chaque année des dizaines milliers d’euros de dons à des projets associatifs, la promesse est séduisante. Mais elle recouvre une réalité bien plus problématique :
– Il vous faudra en réalité changer vos habitudes, les résultats de Lilo étant moins pertinents que ceux de Google ou de Bing.
– Lilo repose entièrement sur le même modèle publicitaire que les moteurs de recherche classiques, avec donc les mêmes méfaits.
1. Des résultats moins pertinents que les moteurs classiques
Techniquement, Lilo n’est pas un moteur de recherche mais un méta-moteur. Cela signifie qu’il s’appuie sur les technologies de Google, Bing et autres pour proposer des résultats à ses utilisateurs.
On pourrait s’attendre à avoir les mêmes résultats que sur ces géants, mais c’est n’est pas le cas : il semblerait que Lilo n’ait accès qu’à une version “dégradée” de la technologie de recherche.
Nous avons réalisé les tests sur les requêtes suivantes :
Requête 1) : « Acheter estampe japonaise à bordeaux »
• Lilo : le 11ème résultat nous oriente vers une adresse pertinente.
• Google : le 1er résultat nous la donne.
Requête 2) : “maire de paris” (nous cherchons le nom du maire actuel)
• Lilo : le 3ème lien renvoie vers une page Wikipedia dans laquelle l’internaute doit lui-même aller chercher la réponse à sa question
• Google propose directement la réponse dans la page résultats
Requête 3) : “horaires ouverture caf toulouse jolimont”
• Lilo : Nous avons dû aller au 4ème résultat pour trouver la réponse à notre besoin
• Google propose directement une grille horaire dans la page de résultats
En passant de Google à Lilo, l’internaute verra donc ses habitudes un peu changées. Ce n’est pas gênant pour des recherches ponctuelles, cela peut le devenir si vous faites des recherches pointues ou très fréquentes, typiquement dans un cadre professionnel.
2. Derrière le partage de revenus, des rouages au service du même monde
L’argent que Lilo collecte pour les causes est issu de la publicité. Comme quasiment tous les moteurs de recherche (Google, Bing, Ecosia, Ecogine, etc.), Lilo ajoute en effet des résultats sponsorisés aux résultats naturels.
Or, ce modèle publicitaire a un effet profond sur les comportements des internautes. En effet, la publicité a vocation à créer des nouveaux “besoins”, des envies de consommer toujours plus. De plus, elle favorise les acteurs économiques dominants et notamment les grandes multinationales, au détriment des acteurs plus modestes et plus locaux.
Indirectement, les liens sponsorisés participent ainsi à des méfaits sociaux et écologiques profonds, contre lesquels Lilo prétend lutter en en reversant une partie des fruits qu’il en tire.
La publicité est sans doute le seul modèle possible aujourd’hui pour Lilo (comme pour tout moteur de recherche). On ne lui en fera donc pas le reproche.
En revanche, prétendre comme Lilo “changer le monde” en reposant sur ce modèle est exagéré. Imaginez Mac Donalds annoncer “changer le monde” en reversant 50% de ses revenus à des associations de santé publique, cela paraîtrait indécent.
Cette prétention devient même gênante quand, comme expliqué ci-dessous, Lilo met en oeuvre des pratiques publicitaires trompeuses. Ainsi, en plus de participer malgré lui au même monde, Lilo semble y ajouter sa pierre.
II – La publicité sur Lilo est encore plus sournoise qu’ailleurs
C’est un fait établi et documenté depuis des années : beaucoup d’internautes ne distinguent pas les résultats naturels et les résultats sponsorisés sur les moteurs de recherche. Ainsi en 2019 encore, près de 40 % ne savaient pas quels étaient les liens qui étaient en réalité des publicité, payées par les marques les plus offrantes.
Malheureusement, Lilo a tendance à aggraver cette confusion entre publicité et contenu désintéressé.
1. Dans les encarts shopping, les liens rémunérés ne sont pas signalés
Nous étions en train de comparer les résultats de Lilo et de Ecosia (ils ont la plupart du temps les mêmes résultats) quand nous nous sommes aperçu d’un fait très étonnant : l’encart shopping de Lilo n’est pas clairement signalé comme sponsorisé tandis que celui d’Ecosia l’est.
Ci-dessus, sur Lilo la mention “Offres Shopping” ne spécifie pas le caractère rémunéré du lien, elle signale juste que ce sont les résultats shopping de votre recherche. Chez Ecosia, elle apparaît sous le nom “Acheter iPhone”.
Pour être transparent et honnête, il aurait fallu que Lilo appose la mention “ANNONCES” comme le fait Ecosia ou encore DuckDuckGo, Google, Qwant… et tous les autres moteurs de recherche plus ou moins limpides quant à la publicité présente sur leur site.
Nous avons interrogé Lilo à ce sujet : lors de notre entretien, la nouvelle PDG Sophie Bodin a clairement semblé découvrir ce problème et a exprimé un “mea culpa” de la société à ce sujet. Cependant, la responsable communication de Lilo a tenu nier un quelconque mea culpa : « Lilo ne bat pas sa coulpe. Les annonces étaient très clairement indiquées sur l’interface par la mention « Offres Shopping ». Cependant, comme vous faisiez remarquer que cette mention est différente sur certaines interfaces, Sophie a trouvé que l’idée était bonne de l’harmoniser. Ce serait dommage de transformer cette capacité d’écoute et mea culpa. »
Cette capacité d’écoute est effectivement appréciable. Et on peut s’attendre à des changements rapides sur ce point.
Mise à jour le 10 sept 2020 à 11h40 : Effectivement Lilo a été réactif, la mention « offres shopping » et devenue « annonces shopping ».
2. En tête de résultats, les liens sponsorisés sont trompeurs
Dans la colonne principale des résultats de Lilo, la mention “Annonce” apparaît bien à côté des liens affiliés. Mais là encore, contrairement à ses confrères, Lilo a pris une option qui aggrave le risque de confusion de l’internaute entre résultats sponsorisés et résultats naturels : il a apposé la mention “Annonce” non pas au début du résultat sponsorisé, mais à l’intérieur de celui-ci.
Or, voici comment un utilisateur pourrait interpréter la page de résultats Lilo :
Ce placement ambigu au milieu des résultats sponsorisés de la mention “annonce” remonte au moins à 2019.
Néanmoins, elle était moins insidieuse en 2019 :
- elle était comme surlignée, elle ne l’est plus en 2020
- elle était très contrastée (blanc sur fond vert), alors qu’elle est en gris pâle en 2020.
Il est difficile de croire ici en la simple naïveté ou en l’incompétence en design d’expérience utilisateur. Mais alors quel pourrait être l’intérêt pour Lilo de camoufler ainsi le caractère publicitaire de ces liens ?
La réponse est assez simple : En rendant ambigüe la mention “annonce”, Lili récoltera plus de clics des utilisateurs sur les publicités et donc plus d’argent pour son compte et celui des associations.
Ces maquillages nous semblent contraires à la déontologie des professionnels de la publicité, mais ceux qui sont en charge de faire respecter la lisibilité de la publicité sont souvent peu regardants des dérives des moteurs de recherche.
III – Lilo nous mène-t-il parfois en bateau ?
Les pratiques publicitaires décrites sont évidemment graves et en contradiction avec les valeurs éthiques que prétend défendre Lilo.
Malheureusement, d’autres éléments viennent corroborer des doutes sur la probité et le sens du projet Lilo :
- Justification très douteuse du statut de société à but lucratif
- Manque de transparence sur l’utilisation des revenus
1. Une justification très douteuse du statut de société à but lucratif
Le moteur français est une entreprise lucrative et cela a suscité l’étonnement de plusieurs internautes. « Pour encore plus de cohérence avec les valeurs défendues, pourquoi ne pas quitter le statut individuel capitaliste de Lilo SAS pour un statut coopératif (SCIC) ou associatif ? » (Commentaire #245 sur https://www.lilo.org/proposer-une-idee/)
A cette question, les fondateurs ont répondu ceci :
“Lilo ne peut être une association à but non lucratif, d’un point de vue légal. En France, une association qui a un caractère commercial peut être à but non lucratif, uniquement si elle possède une activité qui ne concurrence pas les entreprises de son secteur. Certaines entreprises étant présentes sur le marché des moteurs de recherches, il serait déloyal en terme de concurrence qu’un moteur de recherche associatif puisse bénéficier du statut “à but non lucratif”. C’est la raison pour laquelle Lilo ne peut pas être une association à but non lucratif.”
Cette explication bien qu’étoffée, est fausse. Il faut à peine quelques minutes de recherche sur DuckDuckGo France pour s’en rendre compte.
Le premier résultat qui s’affiche, un article de cabinet d’avocat, l’explique en deux phrases :
“Pour pouvoir exercer une activité commerciale, l’association doit mentionner cette activité dans ses statuts. De plus, elle doit supporter les charges sociales et fiscales de cette activité.”
Par conséquent, dans leur réponse, soit les fondateurs de Lilo se trompent : ils n’ont pas pris la peine de chercher ne serait-ce que 15 minutes, et, malgré leur environnement associatif, ils ne se sont jamais rendu compte de leur erreur. Soit ils mentent. (Nous avons voulu les interroger sur ce point mais ils nous ont redirigés vers la nouvelle direction de l’entreprise).
Fait étonnant, en retournant sur le site à l’été 2020 nous avons constaté que la question / réponse sur le statut associatif a disparu du site. Est-ce parce que les internautes ne se posent plus la question ou parce que Lilo ne souhaite plus y répondre ?
Nous avons donc posé la question à la nouvelle Direction de Lilo : le passage au statut associatif est-il envisagé ?
La réponse est la même, non, mais la justification a changé (c’est nous qui soulignons) :
« Son statut actuel lui permet de mener sa promesse à bien sans contrainte particulière, et compte tenu de la quantité de dossiers à adresser, il n’est pas urgent pour elle d’en changer. Au contraire, il existe une conviction chez Lilo : toutes les entreprises devraient considérer qu’elles ont une mission en dehors de leur seule prospérité, et ce, quel que soit leur statut ».
Lilo assume ainsi de façon beaucoup plus claire qu’avant son statut d’entreprise, sans se cacher derrière de fausses raisons. C’est en même temps une clarification idéologique.
2. Un manque de transparence sur l’utilisation des revenus
50% de l’argent récolté est reversé à des associations. C’est tout l’intérêt d’utiliser ce moteur de recherche à supplément éthique. D’aucuns ont voulu en savoir plus sur les 50% restants.
En 2019 encore, Lilo répondait : 20% pour la communication et 30% de frais de fonctionnement, et cet internaute s’interrogeait sur la répartition précise de ces 50%. Quelle proportion pour la rémunération du président et directeur général de Lilo, quelle proportion pour les actionnaires? Pas de détail.
En août 2020, nous avons constaté que la mention des 20% et des 30% a disparu, sans explication.
Aussi, Lilo n’a rendu ses comptes publics que pour l’exercice de 2018. Néanmoins, lors de notre appel, Sophie Bodin nous a indiqué que la société n’a jamais versé de dividendes à ses actionnaires. C’est un fait remarquable assez rare pour être souligné.
Par rapport aux moteurs de recherche classiques, l’innovation principale de Lilo réside dans l’usage des revenus publicitaires. C’est pour cette raison que beaucoup d’internautes l’utilisent. Le flou entretenu sur ses finances nous semble donc être une contradiction au cœur de son modèle.
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